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    C’est alors que l’air m’envahi de nouveau et me sort de ma torpeur. J’ouvre les yeux, et je reviens à moi... Mon bourreau à desserrer les doigts. Je bascule en avant affaiblie par cette lutte et je respire le plus profondément possible les yeux écarquillés par la peur. Je réalise qu’il a failli me tuer… Il agrippe alors mes cheveux d’un geste sec et me tire en arrière contre lui.

    « -Question : Où Amidou planque t-il son fric ? »

    Silence. Puis il poursuit:

     « -Hier soir on s’est ramenés chez ta mère pour récupérer le fric que nous doit cette salope ! On t’a d’abord shootée en arrivant histoire que tu nous fasses pas chier puis on s’est occupé de ta mère et on a cherché le pognon. Seulement il n’y avait pas de pognon ! Pas de pognon !! Ou est l’argent que vous nous devez ? Je te conseille de cracher le morceau !! »

    Je décroche complètement… Je suis bouleversée parce que je viens d’entendre…Mon regard se porte instinctivement sur mes avant-bras... et je ne peux que constater que ces bâtards m’ont bien fait une injection...

    « Qu’est ce que vous m’avez donné espèce de tarés !!??... Laissez moi partir je ne vous dirais rien !!! »

    Je n’ai pas le temps de dire un mot de plus. L’homme derrière moi se lève brusquement et jette sa main contre ma joue avec une violence démesurée…

    Je suis de nouveau allongée, à terre, recroquevillée, bouillonnante de rage et d’impuissance. Je ne veux qu’une chose : me jeter sur lui et lui crever les yeux. Je découvre une rage en moi que je pensais inexistante jusque là.

    Haine et terreur continuent de batailler en moi mais la raison me rappelle sans cesse à l’ordre. Je ne peux rien faire, à part leur obéir. Je m’y résous.

    « Bon dis nous où est caché l’argent, ne comptes pas sur ta mère, elle nous crache à la gueule ! C’est une dure à cuire » Et il rit... Un de ces longs rires infâmes qui glace le cœur.

    « N’attends aucune aide. Un de nos hommes est chez ta mère, il veille sur elle. » dit-il en esquissant un sourire narquois. « Et elle n’appellera pas les flics, elle n’est pas folle ! ».

    Silence.

    « Selon elle, tu es censé repartir chez toi dans quatre jours. C’est ça hein ? Donc une chose est certaine, on est pénard pour au moins quatre jours! Personne nous fera chier t’inquiètes. »

    Le deuxième homme se met à rire lui aussi. Leurs railleries résonnent en un joyeux écho. Leur cruauté me blesse de toute part.

    Je suis presque tentée de les implorer de me tuer tout de suite… Je préfère ne pas vivre plutôt que de de passer quarte jours ici, avec eux… Mon corps tremble, je me décompose…. Je ne sais plus comment contenir la pression.

    « -Dis nous tout ce que tu sais et on te laisse partir. »

    « -Et merde, je n’en sais rien ! Vous croyez qu’elle me dit tout !! Je ne touche pas à ça moi !! Je ne m’occupe pas de son business, je ne sais rien ! Laissez-moi partir ! »

    Je sanglote. Je suis épuisée. Traumatisée.

    Long silence….

    Les deux hommes échangent un regard, puis le plus grand tourne les talons et se dirige vers la voiture. Il grimpe à l’avant, coupe le moteur toujours en route et nous plonge dans l’obscurité. Puis il ressort du véhicule, un sac de sport à la main, revient près de son complice et se dirige au fond de la pièce pour finalement appuyer sur un interrupteur : celui de la lumière.

    Il ferme ensuite consciencieusement la porte de ma prison et il pose le sac par terre tout en me regardant. Comme un lion qui guette sa proie.

    Je suis enfin parvenue à me dresser sur mes deux jambes dans un dernier effort en m’appuyant contre le mur qui juxtapose le matelas. Je n’ose même plus lever les yeux et prendre le risque de lire dans les leurs…

    «- Qu’est que ce que vous allez me faire… »

    Je ne supporte plus ce suspense  insoutenable. Je cherche une ouverture du regard, mais je suis totalement piégée, au milieu de ces cloisons de parpaings sans issue. Je vacille toujours tremblotante… je finis par m’adosser complètement au mur, et à me laisser glisser vers le sol à mesure que l’homme s’approche de moi. Je voudrais disparaître sous terre, plutôt que découvrir ce qu’il me réserve…

    « - Aller détends-toi, reviens sur le matelas et assieds toi. »

    Mais je ne m’exécute pas. Je ne peux plus, je suis toujours sous le choc de la situation... Je fixe le sol en essayant de me préparer à ce qui va m’arriver. Je redoute les prochaines minutes…

    L’homme perd patience et se jette sur moi comme une furie, m’empoignant les bras. Il me pousse violemment sur le matelas. J’atterris sur le ventre. Il s’assit aussitôt sur moi. Sur mes cuisses précisément. Et il se saisit de mes poignets qu’il ramène derrière mon dos sans que je ne puisse réagir.

    Il s’adresse à l’homme : « Prépares ce qu’il faut, je la tiens.»

    Et en se penchant contre moi il ajoute :

    « J’en veux pas à ton petit cul t’as de la chance je ne fais  pas encore dans la fillette… »

    Éclats de rire encore une fois.

    « Par contre pour ce qui est de mon pote… tu verras ça avec lui !! »

    Je commence à pleurer pour la première fois depuis que je suis ici… Il m’écrase contre le matelas, m’étouffant presque... Je ne peux pas du tout bouger, et je n’arrive pas à voir ce qu’il se passe. Je distingue seulement certains sons, tel qu’un briquet qu’on allume et des bruits de métaux qui claquent.

    Je me retiens pour ne pas hurler, je veux quitter cet endroit, rentrer chez moi, sortir de ce cauchemar…

    L’homme relâche la pression au bout de quelques instants et se positionne à ma gauche : 

    « Tournes toi, et restes allongée... et surtout fais ce que je te dis, m’énerves pas... je suis sûre que t’as pas envie de me voir énervé... Hein ? »

    J’obéis. Tout en le fusillant du regard. Il ne veut apparemment pas me violer, je suis un peu rassurée… Mais je déchante très vite en apercevant une seringue dans la main du deuxième homme qui s’accroupit juste à côté de moi, un genou sur le matelas…

    « Noooon !!! Pas ça… je vous en supplie, pas ça !!! S’il vous plaît arrêter !! C’est pas utile, je ferais ce que vous voulez, mais ne faites pas ça… »

    Je suis étendue sur le lit, un homme de chaque côté de moi, me maintenant chacun un bras et une jambe avec une facilité déconcertante. Celui de droite cherche désespérément à remonter la manche de ma chemise, mais elle n’arrive pas à la hauteur voulue. Je me décompose, ne trouvant même plus le courage de lutter contre eux, et je pleure, je crie, les suppliant d’arrêter.

    Mais ils restent imperturbables.

    L’homme de gauche prend le relais, voyant l’autre se dépatouiller avec ma manche. Il se rapproche de moi et pose ses yeux dans les miens tout en retirant ses gants un à un. Il met ses mains sur ma poitrine puis  commence à déboutonner ma chemise… Lentement…

    Je tourne la tête sur le côté et je ferme mes yeux trempés de larmes. Le temps me semble infiniment long, interminable. Je veux que cela s’arrête. Mais ils ne m’écoutent pas, ils m’ignorent totalement. Je veux mourir, je ne pense qu’à en finir, je ne veux pas vivre ça, ni m’en souvenir si j’y survis. Leurs regards pervers et froids me hantent déjà …

    « Regarde-moi » ordonne t-il, tout en posant sa main sur mon visage et en le tournant vers lui.

    Il enlève maintenant le dernier bouton de mon haut. Il s’arrête un instant et m’observe. Je pleure. Puis il  reprend et écarte les pans de ma chemise pour laisser naître ma poitrine comprimée sous un soutien gorge noir.

    Je me débats de nouveau ne voulant pas sentir ses mains sales sur moi. Je secoue les jambes de toutes mes forces, je donne des coups de pieds, je bascule tout  mon corps de gauche à droite, et dans tous les sens, tirant sur mes bras pour me défaire de leurs griffes, hurlant à les rendre fous et à m’en arracher la gorge.

    Rien ne m’a jamais fais si mal. Je suis humiliée. Salie. Honteuse. Chacun de leurs gestes, chacune de leurs paroles me détruit un peu plus. Je tombe dans un vide sans fond…

    Mais tout s’arrête net. Je sens une aiguille me transpercer le bras… La surprise m’arrache un cri de douleur. J’ai le souffle coupé. Tous mes muscles se relâchent instantanément. Je ne sens plus rien… Je m’enfonce dans les profondeurs noires de mon âme, incapable de réagir à ce qui m’arrive…Légère… Lâchant prise…

    Une voix résonne :

    « On te laisse réfléchir à tout ça... ».                    

    La grande porte de taule se referme dans un claquement cinglant.

    Je suis de nouveau plongée dans le noir, de nouveau seule... Je ne distingue plus qu’un bruit de moteur qui s’éloigne et laisse place au silence. Seul le doux rire de mon frère résonne dans ma tête…Je pars pour un voyage, loin, très loin de mon calvaire, qui ne fait que commencer…