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    Le temps passe. Inexorablement. 

    Énième départ pour les vacances. Il est 16 heures. Arrivée à Paris chez Maman. J'ai hâte de voir Marley que je n'ai pas serré contre moi depuis trop longtemps...

    Nous arrivons devant la porte du studio de Maman qui se situe au rez-de-chaussée. Jean-Pierre, le mari de Mamie nous attend dans la voiture. Il a pris la place de mon grand-père il y a des années de cela après la mort de ce dernier. Il ne s'attendait sûrement pas à devoir supporter ce genre de vie. Il fait tourner son usine avec Mamie, et se tue à la tâche pour leur offrir tout le confort dont ils rêvent. Mais aussi , sans avoir le choix , pour Maman... Elle vit de sa pension d'invalidité qui lui a été accordée en raison de ses nombreux problèmes de santé. Elle peine donc à se nourrir et à vivre normalement, notamment parce que tout son argent passe dans l'achat de son poison... Mamie est donc contrainte de compléter ses revenus tous les mois... C'est elle qui se débrouille pour lui trouver des logements. Elle lui achète des meubles, des vêtements, des cigarettes, de la nourriture.... Sans eux, Maman serait sûrement dans la rue... au mieux.

    Jean-Pierre a donc beaucoup de mal à apprécier sa belle-fille. Elle, pour qui il faut se rendre à Paris sans arrêt, à n'importe quelle heure de n'importe quel jour. Et il ne faut pas oublier que ma grand-mère a six autres enfants. Dont la plus jeune, Reine, qui a, elle aussi connu mon père, et qui elle aussi est toxicomane...

    ...

    Mamie et moi frappons à la porte depuis cinq minutes... Pas de réponse. Les volets de la fenêtre qui donne sur la rue sont clos. Même chose pour celle de la petite cour commune intérieure... Ma grand-mère commence à s'inquiéter... Elle saisit son téléphone portable et appelle sur le fixe de maman. Trois secondes plus tard, nous entendons la sonnerie qui résonne dans le logement. Mais personne ne décroche. Mamie réitère une dizaine de fois... Elle est certaine que Maman est ici. Elle savait que nous venions, et si elle était sortie elle nous aurait prévenue...

    Je sens la panique montée. J'angoisse pour mon frère...

    Cela va faire un quart d'heure que nous tambourinons sur les volets et à la porte en criant son nom. Mais rien... Jean-Pierre qui nous a rejoint, décide de forcer le volet arrière. Il y parvient au bout de cinq minutes, mais un drap installé sur la fenêtre empêche de voir ce qu'il se passe derrière... A court de solution, ma grand mère lui tend une grosse pierre ramassée dehors et lui demande de casser la vieille vitre...

    Nous rentrons dans le studio, un par un, en enjambant la fenêtre...

    ... Maman est bien là. Elle est assise sur le sol, juste devant son radiateur électrique. Elle semble nue dans son peignoir rose et bascule d'avant en arrière, les yeux fermés, complètement défoncée... 

    Mamie la secoue violemment en criant tandis que Jean-Pierre reste en retrait : 

     -"Cathy !! Cathy !! Reviens à nous... tu m'entends ?On est là... ta fille est avec nous, réveilles toi !! "

    Ma première réaction est de chercher mon frère du regard... Je suis soulagée, il est là. Il est assis dans son lit, il ne dit rien... Maman lui a attaché la cheville avec le bout d'un collant relié par son autre extrémité à un barreau de son petit lit. Ainsi comme il commence à se redresser et à vouloir descendre de son lit, elle est tranquille,  il ne peut pas... Je me précipite pour le libérer et je le prend dans mes bras. Son regard s'illumine en voyant mon visage... Il a l'air si heureux de ma présence ! Il plonge ses petites mains dans mes cheveux châtains et vient collé sa joue contre mon cou... Si seulement je pouvais vivre avec lui...

    De son côté,  Mamie est enfin parvenue à "réanimer" Maman qui a probablement frôlé une nouvelle overdose. Elle est dans les vapes, mais reviens progressivement parmi nous. Mamie l'aide à s'asseoir sur le matelas. Ma mère parcourt furtivement la pièce du regard, comme pour se souvenir d'où elle est.

    Ma grand-mère est debout face à elle, très nerveuse. Je sens qu'elle n'en peut plus...

    -"Bon tu viens avec nous! Tu viens à Sens , je ne te laisse pas là comme ça."

    Ma mère a sa tête des mauvais jours...

    -"Noooon..."

    -"Tu te rends compte que ta fille est là , devant toi , cela ne te fais rien qu'elle te voit comme ça?"

    Ma mère lutte pour lever les yeux vers moi... Elle me regarde l'air incrédule et lance finalement :

    -"J'en ai rien à foutre de ma fille..."

    Une question revient perpétuellement en moi. Qui est maman et qui n'est-elle pas... Je ne sais jamais qui me parle. La mère ou la droguée. J'ai tendance à mettre toutes ses mauvaises actions sur le compte de la toxicomanie. Mais cette fois c'est la phrase de trop. Je suis profondément blessée.

    Je la fixe droit dans les yeux l'espace d'un instant. Je ne réponds rien, tourne les talons, et je pars trouver un sac poubelle dans lequel je glisse les vêtements de mon frère. Je l'habille ensuite, très calmement,  puis le cale sur ma hanche.

    Je me tourne vers ma grand-mère, toujours en "pour parler" avec sa fille et je lui dis :

    - " On s'en va. Tout de suite. Laisse là ici. Elle nous rejoindra à Sens si on lui manque."

    Sans un regard pour ma mère, je sors de la pièce et je grimpe dans la voiture avec Marley. Les larmes aux yeux.