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toxicomanie - Page 16

  • Paris , 1989. Du haut de mes trois ans.

     

    Il doit être vingt-deux heures environ. Je suis dans le métro avec Papa. Je ne le sais pas encore, mais c’est aujourd’hui que ma vie va être bouleversée à jamais.

    Quelques larmes coulent sur mes joues. Nous venons de quitter maman et je ne sais pas où nous allons. Elle n’était vraiment pas bien aujourd’hui. Elle et Papa se sont disputés. Elle pleurait quand nous sommes partis. Je l'ai vu tomber à genoux en suppliant Papa de ne pas m’emmener...c’est pour cela que je me suis mise à pleurer aussi….

    Mais la seule question que je me pose désormais, c’est où Papa m’emmène t-il ?

    Nous sommes maintenant assis dans la rame au milieu des Parisiens. La chaleur est étouffante. Les odeurs de parfums et de transpirations se mêlent au vent léger et tiède des tunnels. J'entends des rires, des chuchotements, des disputes... Certains lisent ou dévisagent leurs voisins tandis que d'autres se laissent aller à fermer les yeux, bercés par les ronronnements souterrains.

    Papa est silencieux. Il me serre contre lui, calmement mais aussi froidement, le regard ailleurs et perdu. Évitant soigneusement de croiser le mien. Je sens qu'il ne veut pas que je devine ce qui se cache derrière son apparent détachement... 

    J’ai du m’endormir car nous sommes maintenant dans un bâtiment très sombre. Mon père grimpe les marches une à une, lentement, comme si l'enfer l'attendait là haut. Je suis toujours dans ses bras... Nous arrivons devant une porte que je distingue à peine dans la pénombre... Il se décide à frapper après une longue hésitation.

    Nous patientons quelques instants, et soudain, je reconnais ma grand-mère, face à nous.

    Exténuée, je comprends mal ce qu’ils se disent. Mais Mamie ne paraît même pas surprise de nous voir débarquer à cette heure tardive..Je cherche instinctivement le regard de mon père qui s’évertue à m'ignorer depuis que nous avons quitté Maman. Mais il lâche enfin prise et je lis alors une infinie tendresse dans ses yeux.Il me dépose délicatement dans les bras tendus de ma grand-mère, sans un mot, et c’est le cœur serré que je sens un de ses longs baisers se poser sur mon front.

    Je pleure, je ne comprends pas ce qui se passe...

    Il tourne les talons.

    Et disparaît.